Appel à article pour un dossier thématique des revues Brésil(s) et Confins : Les recensements au Brésil : perspectives historiques, nouvelles approches et défis actuels

Date limite de soumission : 15 mars 2022.

Outils essentiels pour les actions de l’État brésilien et pour leur évaluation, les recensements reflètent les processus de conception et de consolidation de politiques économiques, territoriales et sociales du pays. Depuis les premières décennies du XXe siècle, ils ont contribué à la création de modèles de croissance et de politiques démographiques pour l’identification des problèmes nationaux, ainsi que pour l’émergence et la consolidation de la recherche en sciences sociales au Brésil. Il a fallu attendre la fin de la décennie de 1950 pour que les statistiques commencent à être mobilisées, par certains chercheurs, pour contester le mythe d’une nation sans divisions et sans conflits raciaux. Depuis les années 1990, elles représentent un élément essentiel des mouvements de démocratisation de la société brésilienne, donnant visibilité et des nouveaux moyens de lutte aux minorités. Plus récemment, les coupes budgétaires et la simplification du recensement de 2020 imposés par le gouvernement fédéral, conjugués aux restrictions sanitaires de la pandémie Covid-19, ont d’abord résulté dans l’annulation de la campagne censitaire, avant qu’une décision judiciaire n’oblige le Président de la République à la remettre sur les rails.

L’objectif de ce dossier thématique est, d’une part, revenir sur les cent ans d’histoire censitaire du Brésil, partant du Recensement de 1920, très marquant et innovateur en ce qui concerne sa qualité technique, la quantité de variables retenues, les formes de présentation des données. D’autre part, ce dossier souhaite refléter les perspectives actuelles d’analyse de la socio-histoire des statistiques, abordant les modes de production, de circulation et d’usage des chiffres publics, ceux-ci étant considérés comme des objets culturels, comme des artefacts qui résultent de pratiques sociales de classification, de registre et de confrontation entre les différentes dimensions de la réalité. Dans ce sens, des analyses comparatives et croisées entre le cas brésilien et celui d’autres pays seront les bienvenues.

Axes de réflexions :

1) Les méthodes employées, les cadres spatiaux retenus tant pour les enquêtes que pour l’agrégation des données, ainsi que les conséquences de ces choix dans les mouvements de construction ou de réforme de l’Etat, ces questions pouvant être étudiées dans une perspective diachronique ;

2) Les controverses statistiques mêlant institutions, communautés scientifiques et les corps techniques. Les recensements ont permis à ces derniers d’intervenir et de peser de plus en plus dans les débats publics, en même temps qu’ils ont contribué à la formation de nouveaux champs de connaissance ;

3) La genèse des catégories démographiques, sociales, économiques, et spatiales (raça/cor ; religion ; pauvreté, favela, etc.) et leur évolution, analysée conjointement avec l’apparition de nouveaux acteurs, avec la création et la spécialisation des organismes gouvernementaux, et avec l’émergence de formes de participation sociale ;

4) Les interfaces entre chiffres, cartes et graphiques dans la diffusion des données, dans la construction de l’image de la nation, dans organisation politico-territoriale du pays, ainsi que dans la progressive régionalisation des données ;

5) L’impact des technologies numériques et des algorithmes sur la production des recensements et sur le contrôle des pouvoirs sur la diffusion de l’information ;

6) Le recensement comme instrument de lutte politique, entre promesse d’équité sociale, l’agenda néolibérale et le négationnisme scientifique. […]

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